A Buenos Aires, Juan Sebastián nous avait présenté Laura, une femme de 35 ans aux allures de jeune fille, diplomée en droit et aujourd´hui avocate. Laura fait partie de ces personnes qui débordent de culture. Passionnée par la lecture et peintre à ses heures, Laura nous fìt visiter Buenos Aires et nous offrit le couvert à de nombreuses reprises dans son appartement qu´elle partage avec sa mère, Delia. Laura est une femme indépendante qui a déjà voyagé dans de nombreux pays en Europe. Elle représente bien cette nouvelle génération argentine qui rêve de changement, d´autonomie et de liberté. Quand elle nous a proposé de nous accompagner dans notre voyage au nord de l´Argentine, se fût évidemment avec joie que nous avons accepté. La mère de Laura, Délia, a 75 ans. Toutes les deux vivent dans un petit appartement modeste du quartier de Belgrano. Délia est un petit bout de femme attachant, toujours prête à vous préparer un bon repas à n´importe quelle heure de la journée. Délia est aussi une de ces personnes qui considère qu´elle vivait bien pendant le régime militaire des années 70. Propriétaire avec son mari d´un commerce de chaussures à Buenos Aires, Délia pu vivre correctement et dignement durant cette période qu´elle considère comme relativement stable. Quand fût établie la démocratie le 10 décembre 1983 avec l´élection de Raul Alfonsin, les citoyens argentins nourrirent alors de nombreux espoirs.
Cependant, les années 1980 furent en Argentine une décénnie d´hyper-inflation, notamment vers 1989. Les commerçants se trouvèrent alors en situation délicate, tout comme le reste de la population des classes pauvres et moyennes. Avec la mort de son mari, ce fût un moment difficile à passer pour Délia. Quand elle nous en parle, ses yeux sont vides et tristes. Puis, dans les années 1990, avec l´élection de Menem, la situation ne s´améliora pas. Malgré une baisse significative de l´inflation, Menem est connu pour être l´un des présidents les plus corrompu que l´Argentine ait jamais connu. De plus, du fait de la mise en place d´une politique extrêmement libérale, le pays se trouva alors exposé aux crises internationales et au chômage de masse. Le président suivant (Fernando de la Rua) ne parvînt quant à lui pas à éviter la tristement célèbre crise argentine de 2001. Sous la présidence de Nestor Kirshner, les choses se sont ensuite améliorées. Pourtant, les argentins continuent d´accuser leurs dirigeants de corruption. En 2007, avec l´élection au poste de Président de Cristina Kirshner, la femme de Nestor, quelques uns, et en particulier Laura, y ont vu une manipulation politique. En effet, la Constitution argentine limite à 2 fois le renouvellement du mandat présidentiel (un mandat = 4ans). Profitant de la popularité de sa femme, on peut penser que Nestor, qui était au plus bas dans les sondages à la fin de son mandat, se représentera sans doute en 2011. De plus, aujourd´hui à la tête du parti majoritaire et mari de la présidente, l´ex président continue d´influer sur la vie politique argentine d´une manière importante. L´Argentine se retrouve donc aujourd´hui avec une sorte de "présidence à deux têtes". Je n´ai eu en Argentine qu´une seule fois la possibilité de voir une conférence de presse donnée par Nestor Kirshner. Je ne me permettrais pas de juger sa politique. Je revois Délia lancer des grands “hijo de puta” à chaque réponse donnée par le président. Victime de montée soudaine de tension, elle demande alors à sa fille d´aller lui chercher son tensiomètre. Laura, en bonne petite infirmière, lui prend la tension: 17. La scène me parut d´abord comique puis très vite, triste. Pendant que certains prononcent des discours en souriant, d´autres personnes plus modestes souffrent.
Après un dernier repas partagé avec Délia, nous nous lançons avec Laura dans les rues de Buenos Aires à la recherche d´un taxi. Derniers préparatifs et repas précipités, nous sommes évidemment en retard et disposons d´environ 30 minutes pour traverser une bonne partie de Buenos Aires et prendre un bus qui nous conduira à Cordoba, où nous devons rejoindre Gaston, un ami argentin rencontré à Pampelune. Un taxi s´arrête. Laura lui explique brièvement la situation. Le grand chauffeur moustachu acquiesse tranquilement: “sin problema”, ne semblant pas être effrayé par la difficulté de la tâche. Nous nous lançons alors dans une course effreinée: slaloms entre les voitures et grillages de feux rouges en bonne et due forme, le tout à une vitesse folle. A l´intérieur du taxi, nous gloussons tous d´ un rire haut perché situé entre l´excitation de ce raid incensé et la peur toute naturelle d´un éventuel accident. Cela semble d´ailleurs motiver encore plus notre chauffeur, qui en l´espace de 10 petites minutes a déjà dû enfreindre la moitié des règles du code la route. Il se permet même de doubler une voiture de police en disant, ironique: “Despacito cuando hay la policia” (“Doucement quand il y a la police”). Finalement, nous arrivons à la station de bus presque 10 minutes en avance et prenons “tranquilement” notre bus pour Cordoba. Il est minuit…
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